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A propos de la philosophie de la contradiction

Les contradictions de la vie et de l’âme humaine nous apparaissent si fréquemment que nous sommes habitués à en parler comme d’un élément constitutif de l’image que nous avons du monde. Toutes les représentations de la vie, et avant tout l’art, ont une prédilection pour ce motif. Cependant, en y regardant de plus près, ces représentations et la découverte de nouvelles contradictions servent à les réunir à un niveau supérieur, que ce soit dans la synthèse scientifique ou dans la transfiguration artistique. Autant nous pouvons nous réjouir d’observer la vie dans ses contradictions colorées, et autant nous pouvons nous abandonner au ressenti de sa formation permanente qui aboutit finalement à sa destruction, autant nous éprouvons également le besoin de ne pas trouver de contradictions dans les « systèmes » que nous concevons pour établir une compréhension de la vie ou une explication du monde qui soit scientifique. Il y aurait beaucoup à dire du fait que le monisme matérialiste triomphe aujourd’hui comme explication du monde non-contradictoire, alors que la vie des individus et des peuples est prise dans l’étau de certaines contradictions devenues tangibles. Derrière l’observation « cohérente » de la nature se trouve l’idée que des lois de la nature sont à la base de tout événement, et que les contradictions sont des illusions qui doivent disparaître face à l’avancée de la connaissance. Le monisme sprituel, l’anthroposophie ou la science de l’esprit peuvent sembler pleins de contradictions aux yeux de cette conception. Les deux premiers chapitres de cette fondation épistémologique de la science de l’esprit pourront donc être totalement rejetés par ce point de vue, dans la mesure où ils utilisent ouvertement, et de façon explicite, les plus grandes contradictions qui soient. Ce sont là des raisons suffisantes pour que nous nous soucions de l’essence de la contradiction, et il faut essayer de saisir l’essence du penser non-contradictoire pour justifier les contradictions des premiers chapitres.”

(Issu de : Carl Unger - Schriften I, "Gedanken zur Philosophie des Widerspruchs" [Écrits 1, Pensées sur la philosophie de la contradiction], Stuttgart 1964, S. 147f)