« Mais c’est la vie elle-même qui est la grande école de la vie, et l’on ne sort véritablement de l’école qu’une fois que l’on y a forgé la faculté d’apprendre toute sa vie de la vie ».
Rudolf Steiner, conférence du 19 juin 1919
Éduquer dès la naissance
Dès leur premier souffle, les enfants ont envie d’apprendre, de se former. Ce sont des apprentis motivés, éveillés, conscients et connaissants, dotés d’une immense volonté de faire et d’apprendre. Ils veulent connaître la Terre, la société, bouger et changer. L’éducation commence à la naissance.
Par ce qu’on appelle les techniques d’imagerie, la recherche a montré que le cerveau est un organe capable d’adaptation et que les connexions entre les cellules nerveuses se modifient quand l’individu fait de nouvelles expériences.
Neurobiologie et forces non matérielles
Depuis, la neurobiologie admet elle aussi que des forces non matérielles ont une influence décisive sur les structures du cerveau humain1. Cette découverte des sciences cognitives, au moment du passage au 21e siècle, a transformé le modèle qui existait jusque-là pour la recherche sur l’éducation. Celle-ci a compris que les enfants n’ont pas besoin d’une pédagogie « donneuse de leçons ». Gerald Hüther, professeur de neurobiologie à l’Université de Göttingen (DE), et Lise Eliot, professeur de neurobiologie à l’Université de Chicago, en arrivent aux mêmes conclusions : les seules aptitudes innées sont bouger, marcher, parler et apprendre à lire. Les gènes et les neurones pour cela existent à la naissance. Mais les connexions cérébrales ne s’établissent pas toutes seules ; elles se forment peu à peu, quand on donne à l’enfant l’occasion d’acquérir et d’exercer lui-même ces aptitudes. Cette nouvelle vision appelle des concepts pédagogiques adaptés aux besoins de l’enfant.
L’éducation par la relation
Les enfants ne sont pas des récipients dans lesquels on déverse les connaissances que les adultes jugent importantes. Ils apprennent en entrant en relation d’abord avec les personnes importantes pour eux, puis avec tout ce qui est important pour ces personnes.
Ils ont donc besoin d’éducateurs capables de leur communiquer un sentiment de sécurité et de protection, et de les aider à trouver des solutions à leurs problèmes. Ce n’est qu’ainsi qu’ils peuvent développer la confiance : confiance dans la force des relations avec d’autres personnes qui leur donnent de la sécurité, et confiance dans leurs propres forces, leur savoir, leur pouvoir et leur aptitude à donner forme à leur vie.
Les capacités et les aptitudes qu’apporte chaque enfant sont un véritable trésor qui ne doit pas se perdre. Partant de ce qui a été dit plus haut, nous pouvons définir pour l’éducation quelques règles de base :
• Laisser les enfants faire leurs propres expériences et décider par eux-mêmes, ne pas décider pour eux, y compris pour les expériences fondamentales dans la nature.
• Encourager le développement global de leurs sens et de leurs perceptions par un environnement organisé en conséquence.
• Leur servir de modèles de façon à les soutenir, en étant toujours prêts à construire une relation aimante, chaleureuse et empathique.
• Ne pas les entourer de grandes quantités de jouets (pensés par des adultes), mais organiser leur environnement de façon que celui-ci offre les matériaux les plus riches possibles pour stimuler leur soif de découverte et de connaissance, et les amener à développer leur activité propre dans le jeu libre.
• Prévoir pour leurs activités beaucoup de répétition et de rythme.
• Leur éviter la peur et le stress.
• Leur donner les bases d’une éducation linguistique et musicale.
Les écoles Steiner suisses ont réorganisé le parcours scolaire en créant le « niveau élémentaire ». Les crèches, les groupes parents-enfants, les groupes de jeux et les jardins d’enfants, ainsi que la première et la deuxième classes ont un point commun : ce sont des institutions éducatives de la petite enfance au sens ci-dessus, qui s’efforcent de répondre aux besoins de chaque enfant en particulier.
Bettina Mehrtens-Moerman
1 Pour aller plus loin :
G. Hüther, Biologie der Angst, Wie aus Stress Gefühle werden, Sammlung Vandenhoeck, 1997.
M. Spitzer, Lernen, Gehirnforschung und die Schule des Lebens, Spektrum Akademischer Verlag, 2002.
L. Eliot, Was geht da drinnen vor? Die Gehirnentwicklung in den ersten fünf Lebensjahren, Berlin Verlag, 2001.