FondsGoetheanum: Vache et climat

Oui, je veux apporter ma contribution à une agriculture durable

Nous sommes confrontés à une hausse croissante des températures avec ses conséquences, par exemple la fonte des glaciers. Les paysages et le climat changent. Les défis à la production agricole se multiplient. La sécurité alimentaire est en danger. L'alarme lancée par le Rapport mondial sur l'agriculture de 2008 "Il n'est pas possible de continuer comme cela !" ne peut plus être ignorée. Il faut des personnalités politiques, des commerçants et des consommateurs qui mettent en place, avec les paysans, la politique alimentaire. Il faut une autre approche, une agriculture qui empêche l'érosion des sols, qui maintienne durablement leur fertilité. L'agriculture biodynamique développe la fertilité du sol.
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Le bio peut-il nourrir le monde?

"Le système alimentaire global a échoué – Des millions de personnes en paient le prix. [...] Cet échec n'est pas inéluctable. Il résulte des décisions que nous prenons."1 C’est avec ces paroles alarmistes, qu’António Guterres, Secrétaire général de l'ONU, s'adresse à nous tous lors de la Rencontre sur l'alimentation mondiale, fin juillet 2023.

António Guterres, Secrétaire général de l'ONU, exhorte à un changement de cap, afin que dans l'avenir, la population mondiale qui s'accroît puisse être suffisamment nourrie malgré les considérables modifications du climat. Déjà en 2008, le Rapport sur l'agriculture mondiale commandé par l'ONU et la Banque mondiale "L'agriculture à la croisée des chemins – il n'est plus possible de continuer comme cela!" réclamait un changement de cap en direction de l'agriculture biologique.
Oui, le bio peut nourrir le monde, si les consommateurs, l’économie et la politique admettent que l'on ne peut continuer ainsi et relèvent les défis d'une nouvelle voie et agissent en conséquence. Le potentiel de l'agriculture biologique et biodynamique est grand: elles rendent aux sols leur fertilité, les sols fertiles fixent le carbone, enherbent les déserts, faisant d'eux des écosystèmes diversifiés.

Exemplaire. Formation à la biodynamie dans les champs au Kenya.

Un but de l'alimentation mondiale: vaincre la faim d'ici 2030

La définition de la sécurité alimentaire a été donnée en 1996 pendant le Sommet sur l'alimentation mondiale de l'Organisation des Nations-Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO): "Elle est assurée quand tous les hommes à tout moment ont sur le plan physique et économique accès à suffisamment d'aliments sûrs et nutritifs qui satisfont leurs besoins et préférences alimentaires pour prétendre à une vie saine et active2."
Des initiatives et des projets cherchent à garantir à l'avenir l'alimentation mondiale, en tenant compte du changement climatique. Même si les États membres des Nations-Unies ont décidé en 2015 de mettre un terme en 2030 à la faim dans le monde, on peut vite s'apercevoir qu'entre les préceptes politiques et la réalité, il existe aujourd'hui encore un fossé béant. Dans le monde, 828 millions d'êtres humains ont faim, tandis que 676 autres millions souffrent d'obésité et de surpoids. Le Covid-19, les effets de conflits nationaux et de guerres comme celle qui se déroule en Ukraine, mais également les effets du changement climatique, font  à nouveau monter ces chiffres depuis 2019.

Pression croissante sur l'alimentation mondiale

Les défis concernant la garantie de la sécurité alimentaire sont inégaux dans le monde. Dans quelques pays, conflits politiques, infrastructures déficientes, comme les routes ou les systèmes de réfrigération, rendent difficile l'accès aux aliments. Dans d'autres pays, le gaspillage alimentaire représente un grand défi; 30% des aliments produits finissent actuellement à la poubelle sans avoir été consommés et participent ainsi au gaspillage des ressources et à la pollution de l'environnement3.
L'agriculture elle-même est confrontée à des défis: elle doit produire suffisamment d'aliments malgré la baisse des ressources naturelles comme l'eau, la fertilité des sols, leur disponibilité et l'énergie. Le changement climatique est ici un accélérateur. Événements climatiques extrêmes, régimes de précipitations modifiés, périodes de sécheresse de plus en plus longues, vagues de canicules et autres problèmes réduisent les rendements habituels. Pesticides et engrais sont non seulement responsables de fortes émissions de CO2, mais nuisent à la fertilité du sol et à la biodiversité. La réduction de la biodiversité, comme par exemple la disparition d'insectes pollinisateurs, et la perte de diversité génétique parmi les plantes cultivées et les animaux de rapport défient l'agriculture. Comment peut-elle réagir à ces changements généraux?

Le bio pour la sécurité alimentaire

Actuellement dans le monde dans 191 pays, on pratique l'agriculture biologique et/ou biodynamique. Cela correspond en 2021 à une superficie de 76,4 millions d'hectares sur le globe. Par rapport à la surface agricole mondiale, cela représente 1,6%, avec une tendance à la hausse; en Suisse, ce sont 18% de la surface agricole, dans l'Union européenne plus de 9%. Les avantages de ces systèmes agricoles sont évidents. Ils pratiquent l'agriculture sans engrais chimiques, ni pesticides, ni herbicides ni autres adjuvants chimiques, ce qui est non seulement important pour la durabilité de l'agriculture, mais aussi pour les êtres humains. Car dans le Sud global, les produits agrochimiques sont épandus en partie sans respecter les mesures nécessaires de protection, comme l'utilisation de masques. C'est ainsi que chaque année 385 millions de personnes s'empoisonnent sans le vouloir avec des pesticides. Onze mille en meurent chaque année5. Mais l'Europe est aussi touchée. En France, le cancer est reconnu depuis fin 2021 comme maladie professionnelle des agriculteurs6.
L'agriculture biologique et l'agriculture biodynamique produisent des aliments qui sont plus sûrs pour les consommateurs mais aussi pour les producteurs. Un autre de leurs grands avantages est leur manière de penser et d'agir circulaire. Le nombre d'animaux, les besoins en engrais et la rotation des cultures sont adaptés aux possibilités et aux besoins du sol. Celui-ci devient alors la ressource la plus importante. Il est protégé et préservé par une rotation de cultures, par des cultures intermédiaires et des engrais verts diversifiés, ainsi que par une pratique de travail du sol adaptée aux conditions locales.
Cette protection du sol est indispensable à notre survie, car actuellement 24 milliards de tonnes de sols fertiles sont perdus chaque année dans le monde par une érosion due à l'agriculture, c'est-à-dire 3 tonnes par être humain sur notre Terre! Des études scientifiques, entre autres l'essai comparatif de longue durée DOC initié par Agroscop/FiBL à Therwil, montrent que la culture biologique stabilise la fertilité du sol et le rend ainsi plus résistant à l'érosion. En même temps, l'agriculture biologique peut réduire les émissions de gaz à effet de serre7. Une base importante pour la sécurité alimentaire de notre avenir!

Le domaine biodynamique Rekola en Finlande pratique une agriculture solidaire et livre ses produits aux habitants de la ville.

Aiguillage pour le changement de cap

Pourquoi, malgré l'appel du Rapport agricole mondial – "Il n'est pas possible de continuer comme cela!"– et les grands avantages évoqués, n'y a-t-il pas plus de surface cultivée en agriculture biologique et biodynamique? Comment s’expliquer que les politiques, les consommateurs et l'économie ne fassent rien? Peut-être parce que, comparée aux pratiques culturales conventionnelles, qui utilisent de grandes quantités d'engrais azotés et de produits contre les nuisibles, l'agriculture biologique a de moindres rendements et donc qu’il faut plus de surface pour produire des aliments en même quantité. Mais en tant que consommateurs, nous pouvons apporter une grande contribution en gaspillant moins d'aliments et en réduisant notre consommation de produits qui mobilisent beaucoup de ressources, comme la viande.
Le besoin de main d’œuvre est plus élevé en agriculture biologique, mais celle-ci en revanche n'a pas de charges liées aux pesticides et aux engrais. C'est un facteur important, précisément pour les petites entreprises du Sud global qui souvent ne peuvent pas se permettre d'acheter des pulvérisateurs, des semences et des engrais synthétiques onéreux8.
L'agriculture biologique et l'agriculture biodynamique sont des systèmes de culture fondées sur une connaissance approfondie, pour laquelle il n'y a pas de recettes patentées. Cela exige de l'engagement, de l'observation et la volonté d'interroger sa manière de faire et de l'adapter. Dans des pays non européens, des exploitations biologiques et biodynamiques en sont souvent encore au stade pionnier et ne peuvent guère compter sur des réseaux d’expériences. Il faut bien plus de partage de connaissances dans le monde pour permettre l'accès des paysans à l'agriculture biologique. Les consommateurs aussi connaissent encore trop peu cette forme de culture. Il est urgent de communiquer mieux et plus à ce sujet. L'agriculture biologique et l'alimentation doivent être intégrées par degrés dans le programme scolaire, depuis le jardin d'enfants jusqu'au baccalauréat.
L'agriculture biologique n'a pas seulement beaucoup à offrir dans le domaine de la durabilité, elle encourage également le respect et la reconnaissance de la valeur de la nature. Les sols, fondement de notre sécurité alimentaire, s'enrichissent en humus, deviennent ainsi plus fertiles et s'érodent beaucoup moins. Les aliments produits sont meilleurs pour les personnes engagées dans la production et celles qui consomment. À côté du bien-être animal et de la biodiversité, il ne faut pas oublier non plus les paysages apaisants.

À SEKEM, avec des haies pour protéger du vent, la métamorphose du désert en sol fertile commence. Le jeune homme plante des filaos. Ils ont une croissance rapide, leurs troncs résistent bien au broutage des moutons et à la forte salinité de l'eau.

Quelles sont les contributions que chacun peut apporter, et comment?

Nous devons rapidement mettre en œuvre la stratégie "Feed no food" – "Ne donnez pas en fourrage des aliments que peuvent manger les êtres humains"– c'est l'une des conditions les plus importantes pour que le bio puisse nourrir le monde. Actuellement, 78% des surfaces agricoles sont destinées à l'élevage et au fourrage9. Les défis consistent ici d'une part à utiliser les surfaces agricoles pour l'alimentation humaine et pas pour les animaux, ce qui signifie également d'autre part consommer moins de viande. De plus en plus de voix médicales soulignent qu'une alimentation à dominante végétale, la réduction des aliments de provenance animale et les menus comportant plus de produits saisonniers ou régionaux sont des éléments bénéfiques pour la santé10.


Là où l'avenir vit déjà aujourd'hui

L'agriculture biologique et l'agriculture biodynamique fonctionnent: c'est ce que montrent les nombreuses exploitations biodynamiques établies avec succès en Europe et dans le Sud global. Il existe une communauté de 5000 petites exploitations au Kenya, qui ont sur leurs terres des cultures extrêmement variées. Par la commercialisation commune de leurs noix de macadamia, elles font l'expérience de la qualité et de la communauté. Leurs voisins, dans l'"École Rudolf Steiner Mbagathi" à Nairobi intègrent l'agriculture biodynamique dans la formation scolaire, avant tout la pratique. Avec le soutien de leurs professeurs, les enfants cultivent tous les produits nécessaires aux repas de l'école et apprennent comment procéder sans pesticides ni produits phytosanitaires. Ils prennent soin des cultures, apprennent à récolter les différentes productions et à les conserver; ils découvrent la valeur des aliments. Ils apprennent en actes l'agriculture durable, ils l'apportent à leurs villages et y pratiquent avec les habitants l'agriculture biologique et biodynamique pour leurs communautés.
Comment le bio peut-il soutenir la sécurité alimentaire? Le domaine biodynamique Rekola, en Finlande, en est un exemple. Il nourrit les habitants de la ville par une agriculture solidaire. Il cultive des légumes d'excellente qualité. Au printemps, il offre un grand choix de plants pour que les membres puissent cultiver sur leur propre balcon des légumes adaptés11.

Et si nous regardons du côté des régions extrêmes, dans le désert, nous y trouvons des fermes biodynamiques qui depuis des décennies réussissent à développer des sols fertiles, c'est-à-dire qui rendent des déserts fertiles et permettent ainsi l'autosuffisance alimentaire12. Ils créent des lieux, comme par exemple Sekem à proximité du Caire, où la conjugaison de l'écologie, de l'économie et du social génère des concepts porteurs. Où l'homme soutient la nature et prend soin d'elle, de sorte qu'elle déploie toutes ses richesses et sa beauté. Ce sont des lieux inspirants pour la question de l'alimentation mondiale.


Une perspective et des pas courageux

Notre sécurité alimentaire globale ne dépend pas seulement de la production agricole. Elle est une conjonction de multiples facteurs: possibilités commerciales, infrastructures, répartition des ressources, politique, formation, conditions à un moment donné de finances et de société. L'agriculture biologique et l'agriculture biodynamique ne peuvent pas à elles seules provoquer le changement de système13.
Le changement climatique devient chaque année de plus en plus net. Le changement de cap pour se diriger vers une agriculture biologique et biodynamique est urgent, comme est urgent un aiguillage pour la sécurité de l'alimentation mondiale. Il faut des décisionnaires politiques qui fassent avec courage des pas pour plus de formation, de recherche, de transmission des savoirs et une autre politique des prix, par exemple en intégrant les coûts de production indirects dans les prix! Nous sommes également interpellés, nous, consommateurs, représentants du commerce, personnes engagées pour soutenir un avenir durable et la sécurité alimentaire! Il faut des personnes qui osent essayer et intégrer de nouvelles formes d'alimentation. Et des agriculteurs qui fassent courageusement pour nous tous des pas vers l'avenir!

Lin Bautze, collaboratrice scientifique au FiBL