FondsGoetheanum: sociothérapie

« Je suis un être humain particulier. Je ne peux pas aller  à la fac, mais je sais tout ce qu’il faut pour vivre, et il faut beaucoup de choses. »

Actuel – Novembre 2011

Homme, qui es-tu ?
Pédagogie sociale vécue. À la question « Qu’est-ce que l’être humain ? », « Que signifie pour moi être un “être humain” », les résidantes et résidants d’un institut de sociothérapie ont répondu par des « images-textes ».

Les personnes de la communauté sociothérapeutique de vie et de travail Humanus-Haus, à Beitenwil près de Berne vivent dans des groupes de type familial. Dans des maisons communautaires autonomes,  vivent quatre à dix  résidants avec les pédagogues sociaux qui en sont responsables, les enfants de ces derniers et les autres collaborateurs.  Certaines maisons, sur la base de leur projet, travaillent en équipe avec des collaborateurs habitant à l’extérieur. Ainsi est-il possible  de répondre à un large éventail de besoins d’accompagnement.

 

L’accrochage serré rend bien compte de la substantialité, de la variété et de l’intensité de l’expression picturale

Phrase à phrase, un chemin vers soi.

« Être un “être humain” » : pendant une année, les résidantes et les résidants de la Humanus Haus Beitenwil se sont confrontés avec des moyens artistiques à cette question. Des « images-textes », comme les a nommées la thérapeute de la parole Monika Kellersberger, sont nées. À la suite des échanges sur le thème « être un “être humain” », les résidantes et les résidants ont écrit sur une grande feuille de couleur les phrases qui étaient essentielles pour eux.  L’authenticité et l’originalité de ces formules sont touchantes :
« L’être humain a deux jambes et deux bras, il peut travailler. J’ai besoin d’air et d’autres personnes, sinon c’est ennuyeux. Il est important que je puisse moi-même décider des choses pour ma vie, parce que je ne veux pas tout ce que les autres veulent. » (E.H.)
« Je suis un être humain particulier. Je ne peux pas aller  à la fac, mais je sais tout ce qu’il faut pour vivre, et il faut beaucoup de choses. » (N.D.)
« Je suis venu sur terre pour accomplir une tâche. La seule chose qui est importante, quand je ne me sens pas bien dans la vie, c’est d’essayer de m’y sentir bien à nouveau. » (F.B.)
« Je suis pour sûr un artiste. Fais des peintures pour les anniversaires et pour Noël et les offre. Je suis un artiste, parce que les autres disent que je peins bien et je dis de tout cœur que je suis un artiste. Dans ma chambre, je recopie, des poèmes ou des choses comme ça. » (M. F.)

Peinture de V.P.

Une image à la place des mots qui manquent

« Auprès des personnes qui ont peint, au cours de ce projet dans lequel il m’a été permis de les accompagner, j’ai souvent été étonné. Étonné de l’évidence de l’expression personnelle, de la sûreté dans le choix des couleurs, du caractère élémentaire, archaïque. J’ai pu observer des phases d’attente, de réserve, suivies de mouvements traçant des signes clairs et assurés. Ceux qui peignaient ont approché le thème  des façons les plus différentes.  Certains ont retravaillé des expériences du passé, d’autres ont placé au centre des thèmes religieux, des personnages de contes, d’autres encore des amis, des compagnons, voire eux-mêmes.  J’ai limité mon aide au maximum.  Certaines images ont été peintes par des personnes qui parlent peu ou ne parlent pas du tout. Ainsi l’image peut-elle compléter les facultés orales déficientes, être un support de communication non verbale, un pont vers le « toi », dit Elke Bühler, peintre-thérapeute.

Activité artistique, expression de la personnalité

Mais qu’est-ce que l’art dans tout cela ? Le Dr Hartwig Volbehr, psychiatre jouissant d’une grande expérience en sociothérapie, écrit à ce propos dans le livre Der Mensch hat eine Unterschrift (« L’être humain a une signature ») : « L’incapacité  d’entrer en relation est une caractéristique essentielle de nombreuses maladies psychiques ainsi que de nombreuses formes de handicap cognitif. Pour les personnes qui se trouvent dans cette situation, il est à peine possible de se relier, même dans des domaines d’activité extrêmement limités. Elles sont intérieurement quelque part,  mais pas là où ce serait nécessaire au moment présent. Il est en revanche touchant de voir  à quel point ces personnes peuvent s’épanouir dans une activité créatrice. À quel point elles sont capables de plonger dans leur activité et d’être totalement « Cela ».

Tout être humain est un artiste

Cette remarque est essentielle : l’art, ici, n’est pas en premier lieu le résultat de la création artistique, mais le lien que l’on noue avec le processus de la genèse. « Il me semble que dans l’art des personnes handicapées, montent à la lumière des évènements liés à des mouvements de résistance, de crise, de conflit, comme en tout art qui nous touche.  C’est ce qui rend l’imparfait plus achevé, le naïf profond, le simple complexe. Ce n’est qu’à ces conditions que, comme disait Beuys, « chaque être humain devient un artiste », écrit le Dr Rüdiger Grimm.

Rainer Menzel

Toutes les citations sont tirées du livre Der Mensch hat eine Unterschrift, Ittigen, Raffael-Verlag 2010.

www.der-mensch.ch

Série de visages de N.B., réalisée en « peinture assistée » : la peintre-thérapeute apporte maintien et assurance au tonus musculaire de la main et du bras.